Le long chemin de la rééducation
Que se passe-t-il durant la première rééducation d’une personne paralysée médullaire au Centre suisse des paraplégiques à Nottwil? Le Romand Guillaume Girolamo donne des aperçus de son quotidien thérapeutique intensif.
Texte: Stefan Kaiser
Photos: Sabrina Kohler, «Paraplégie» 2/2024
Rien que de l’observer suscite des émotions. Guillaume Girolamo essaie de toutes ses forces d’accrocher son bras à la poignée du fauteuil roulant pour s’entraîner à faire le transfert dans le lit. En vain. Sa physiothérapeute lui donne des consignes claires, le motive et veille à ce qu’il ne se surpasse pas. Finalement, la spasticité les force à interrompre l’entraînement de transfert. Ils le tenteront à nouveau durant la prochaine séance.
« La première fois, c’est très difficile », explique la physiothérapeute Selin Schmidt. «À la cinquantième fois, peut-être encore, mais arrivera un moment où le transfert sera une évidence pour lui. » Cette trentenaire travaille souvent durant des semaines, voire des mois avec ses patient-es au Centre suisse des paraplégiques (CSP) à Nottwil pour atteindre ce genre de jalons importants. Il s’agit de conditions pour un retour dans la vraie vie. En effet, elles sont décisives pour savoir si une personne avec une paralysie médullaire doit désormais vivre dans un établissement médico-social ou si elle peut de nouveau vivre et travailler de manière autonome.
Ne pas abandonner, penser à la vie
En juin 2023, Guillaume Girolamo a eu un accident lors du Rallye du Chablais. Le champion suisse junior s’est blessé à la moelle épinière à la hauteur de la colonne vertébrale cervicale. Il est désormais tétraplégique. Son copilote Benjamin Bétrisey s’en est sorti avec une entorse à la cheville. « Je m’en réjouis », déclare Guillaume. « S’il était en fauteuil roulant aujourd’hui, ce serait bien plus grave pour moi. »
Après son accident, le pilote de rallye de Nendaz est opéré à l’hôpital universitaire de Lausanne avant d’être directement transféré à Nottwil. Les premiers mois sont diffciles. Les problèmes médicaux l’accablent, il ne peut que rarement quitter son lit, les traitements se concentrent sur sa peau, sur sa respiration et sur ses mains. Lorsqu’il peut enfin travailler ses mouvements, il choisit un rythme soutenu. « Je donne mon maximum afin d’atteindre la plus grande autonomie possible à la fin de ma rééducation », explique-t-il avant d’ajouter avec un sourire : «C’est difficile, mais ce n’est qu’ainsi qu’on fait des progrès. »
Ne pas abandonner, penser à la vie. Les thérapies remplissent ses journées. Une étape après l’autre, il se réjouit de chaque succès. Se brosser les dents tout seul, manger sans aide extérieure, voilà de petites choses qui soulagent le quotidien d’une personne touchée. Seule ombre au tableau : les progrès prennent plus de temps que ce qu’il pensait. La patience devient un défi.
De grandes connaissances spécialisées au même endroit
La rééducation au CSP vise la plus grande autonomie possible pour les personnes paralysées médullaires. «Dans la rééducation paraplégiologique, nous prenons en compte tous les facteurs pertinents pour la réinsertion », explique Diana Sigrist-Nix, responsable des services médicaux. Il s’agit non seulement des restrictions physiques, mais aussi de sujets tels que l’intégration sociale et professionnelle.
Toutes les phases de traitement sont ainsi étroitement entrelacées et les évaluations se font simultanément. La rééducation holistique ne se termine pas lorsque les patient-es quittent la clinique, elle dure toute la vie.
Se concentrer sur le quotidien
L’ergothérapie met davantage l’accent sur les activités quotidiennes avec les bras et les mains. «Nous enseignons aux patient-es tout ce qu’il faut pour la vie quotidienne en fauteuil roulant », explique l’ergothérapeute Isabel Steiner. Il s’agit d’activités pratiques à faire avec des bras et des jambes paralysés telles que s’habiller, ouvrir des portes, faire les courses ou encore cuisiner.
La fourniture de moyens auxiliaires relève aussi du domaine de compétencesdes ergothérapeutes. Avec Guillaume, Isabel Steiner a choisi un fauteuil roulant adapté pour lui et mené les évaluations pour une traction électrique et la possibilité de conduire une voiture. Dans sa commune de montagne, sans voiture Guillaume ne pourrait pas se déplacer pour aller travailler, suivre ses thérapies ou faire les courses. Les tests et les entraînements ont démontré qu’une opération du bras est nécessaire.
« Une collaboration merveilleuse »
L’ergothérapeute s’est rendue en Valais avec Guillaume pour rencontrer des architectes de l’Association suisse des paraplégiques pour évaluer son appartement et son lieu de travail. Tout cela se passe durant la rééducation afin que les transformations soient terminées quand il quittera la clinique. « Pour nos patient-es, il s’agit là souvent de la première visite à la maison, avec toutes les émotions », explique Isabel Steiner.
Dans le cas de Guillaume, un contrôle d’environnement était en outre nécessaire pour commander les portes, stores et la lumière depuis son portable. Pour ce faire, Isabel Steiner a fait appel à un conseiller d’Active Communication, une autre filiale de la Fondation suisse pour paraplégiques. «Dans tout le groupe, il y a des connaissances spécialisées énormes, ce qui permet une collaboration merveilleuse », sourit Isabel Steiner.
Une aventure à l’aéroport
«C’est seulement au bout de quatre à six semaines que j’ai vraiment compris que je ne pourrai plus jamais marcher, mais l’espoir est resté plus longtemps », explique Guillaume. Le jeune Valaisan de 27 ans apprécie le fait que les thérapeutes restent les mêmes au fil des mois: «On se voit tous les jours, on apprend à se connaître et une certaine confiance se construit. » Au début, il posait beaucoup de questions sur la possibilité d’atteindre les objectifs recherchés. «Aujourd’hui, je n’ai plus de doute. Mes thérapeutes me motivent pour que je donne mon maximum. J’aime cette attitude, j’ai la même en sport. »
À Nottwil, on rigole aussi beaucoup. «Nous avons vécu des choses sympas », déclare la physiothérapeute Selin Schmidt. Par exemple dans le cadre de leurs excursions mensuelles « learning by doing ». Avec tout un groupe de patient-es, Selin emmène Guillaume à l’aéroport de Zurich pour résoudre des tâches exigeantes dans l’espace public. Pour le jeune homme tétraplégique, c’est toute une aventure. Il sourit: « Je n’étais encore jamais sorti du CSP, j’étais simplement content de voir autre chose…»
Scènes d’un quotidien thérapeutique
L’immense soutien de la famille
La première fois dans un fauteuil roulant manuel constitue un autre jalon. Le fauteuil électrique peu pratique auquel Guillaume est dépendant durant les premiers mois le dérange beaucoup, par exemple pour manger avec ses proches. «Ça fait maintenant dix mois que je suis à Nottwil et j’ai eu de la visite tous les jours. C’est phénoménal », se réjouit-il. Ses grands-parents, ses parents, sa copine ainsi que ses collègues de sport font à chaque fois trois heures de trajet pour venir le voir en Suisse allemande. « Pour mon moral, c’est déterminant. Ainsi, je n’ai encore jamais vécu de situation de désespoir », déclare le jeune homme qui adore sa famille.
À Nottwil, le sport fait partie intégrante de la rééducation. Il favorise le renforcement, le maniement du fauteuil roulant, les contacts sociaux et prépare à la période qui suivra la sortie. Guillaume utilise cette offre avec plaisir: « La grande palette de sports m’a montré que je pouvais faire beaucoup plus de choses que ce que je pensais. Le sport représente une distraction au quotidien thérapeutique et on peut échanger des trucs et astuces avec d’autres personnes touchées. »
L’opération offre plus de liberté
Ses collègues de la clinique et ses thérapeutes lui ôtent également ses appréhensions concernant l’opération lors de laquelle les deux bras seront opérés simultanément huit mois après l’accident. L’opération permet la reconstruction de la tension du coude en transférant le muscle deltoïde postérieur à l’épaule. « Sans pouvoir étendre le coude, les personnes touchées sont très limitées dans leur quotidien. Elles ne parviennent même pas à enfiler une veste », explique Silvia Schibli, médecin-cheffe de la chirurgie de la main. Après l’intervention, les bras de Guillaume auront un rayon de mouvement bien plus grand, seront plus stables et offriront de nouvelles libertés. «C’est une opération compliquée, mais sûre, qui apporte de nombreux avantages. Elle vaut vraiment la peine », souligne la médecin-cheffe.
Guillaume espère que grâce à l’intervention, il parviendra à effectuer le transfert plus facilement, à mieux manœuvrer le fauteuil roulant et à conduire. La mobilité constitue une condition importante pour sa vie après Nottwil. Il aimerait reprendre son travail de bureau dans le garage de son père le plus rapidement possible. «Mon objectif est de retrouver ma place à la maison, au sein de ma famille, dans la vie professionnelle et dans ma relation. » Il emménagera avec sa copine dans l’appartement transformé. Une chose qu’il n’a pas besoin de réapprendre, c’est bien de sourire. En effet, son sourire ne l’a jamais quitté durant tous ces mois à Nottwil.
Devenez membre maintenant
Votre affiliation – vos avantages – notre engagement
Abonner à la newsletter
Je souhaite jeter un œil derrière les coulisses de la Fondation suisse pour paraplégiques.
Werden Sie jetzt Mitglied und erhalten Sie im Ernstfall 250 000 Franken.